EGO

« Bébé, c’est moi. » Je soupire, et place ma main sur mon front, fermant les yeux, et en essayant de me dire que ce qu’il s’apprête à m’annoncer n’est pas ce à quoi je m’attendais. « On m’a choppé pour un truc que j’ai pas fait, j’ai besoin de toi. » Jakob, mon petit-ami (?!) depuis environ deux ans et demi. C’est plutôt une relation où un jour on est ensemble et l’autre j’en sais plus rien, parce que j’ai du mal à garder le rythme. Je baisse la tête, accotant mon dos sur le mur qui se trouve le plus près de moi. Je me laisse glisser, éloignant un tant soit peu le combiné de mon visage, et je me demande pourquoi est-ce que je continue de le laisser m’utiliser de la sorte, je suis tellement pathétique et ridicule… si je ne me connaissais pas, j’aurais pitié de moi. Après quelques instants, je reprends lentement mes esprits, décidée à garder mon sang froid, pour ne pas me disputer de nouveau avec Jakob. « Pour quelle raison ils t’ont arrêté, cette fois, Jakob ? Et pourquoi ils l’auraient fait si c’était pas toi, tu peux m’expliquer ? » Deux minutes interminables passent avant qu’il daigne reprendre la parole, pendant que j’essaie encore de me remettre de son appel. Parce que oui, ça fait trois semaines qu’il ne m’a pas appelé, et maintenant qu’il est dans la merde, j’suis le premier numéro sur sa liste, la première personne qu’il pense à appeler. Pourquoi ? Parce qu’il sait que le fait que je lui ai dit que j’serais là pour lui en cas de besoin veut dire que je le sortirais de n’importe quelle situation, comme je le fais depuis maintenant beaucoup trop longtemps. J’en ai ma claque, par contre, il a atteint mes limites, et je ne continuerai pas de gaspiller mes économies – aussi maigres soient-elles – pour le sauver de toutes les stupidités qu’il a jugé « intelligentes » à faire, et dont je dois payer les conséquences à chaque fois. « J’sais pas, bébé… J’suis vraiment désolé. Tu crois que tu pourras venir quand ? » J’dois être entrain d’halluciner les paroles qu’il vient de me sortir, parce qu’à ce que je sache, ne pas donner signe de vie pendant trois semaines et réapparaître en se plaignant d’être ENCORE en prison pour la millième fois – au moins – ce n’est pas un moyen de reprendre contact avec sa soi-disant petite-amie. « J’ai l’air d’être ta bonne ? Qu’est-ce qui te fait croire que j’ai… Combien c’est, maintenant, genre 400 dollars ? » Je peux entendre les autres crétins enfermés avec lui en arrière, lui gueulant de se grouiller de « dire à sa gonzesse qu’elle débarque pour venir le tirer ce de pieu. » Il peut toujours rêver, parce la gonzesse se pliera plus à ses exigences de si tôt. « Environ ça, oui… Écoute, Mikey, j’suis désolé de pas t’avoir donné de nouvelles pendant si longtemps, c’est juste que… » Il se racle la gorge, et maintenant il va me sortir une autre de ses excuses pourries, à laquelle je croirais pas, comme toutes les autres. « Pas la peine, je comprends. » Ce qui me tue, c’est que lui n’arrive pas à comprendre à quel point ça me bouleverse qu’il joue avec moi comme ça. « Attends, deuxième ligne. » J’ai pas envie de retourner à la première, mais si je le laisse tomber, j’aurai l’air de la fille indigne de son mec, qui le laisse cramer parce qu’elle a quelqu’un d’autre dans sa vie. Si seulement c’était faux, si seulement… « Mademoiselle Vanderhoff ? C’est monsieur Dickens, il n’a pas l’air en très bon état […] » Je prends l’adresse en note, et lui dis que je serai là dans environ 35 minutes. Évidemment, je dois m’y rendre en autobus, et au retour je vais devoir m’arranger pour trouver un taxi qui fera la route jusqu’ici. Ces foutus taxis qui coûtent la peau des fesses – heureusement que ce sera avec l’argent de Ramsey – et qui justement, charge plus cher quand c’est quelqu’un de connu. Qu’est-ce qu’il est pourri, le système de cette ville. Enfin, s’il y en a un, quand les gens le respectent, ce qui arrive rarement. « J’dois y aller, j’viendrai te voir quand j’aurais le temps. Bonne nuit, et par pitié, tache de ne pas empirer ton cas. »

« Mikeyyy, t’es jolie comme ça. » Je regarde Ramsey, mon patron ayant le même âge que moi, mais en beaucoup moins structuré, saoul. Affalé sur le banc de la table ronde qu’il avait sûrement dû réserver pour lui et ses amis. Amis qui profitent de son argent et de son statut. Tant qu’à en avoir, quand on en a des comme ça, on a pas besoin d’amis. Exaspérée, je m’approche de lui, et j’ai vraiment envie de lui gueuler dessus pour lui faire comprendre qu’il fout une fois de plus la fin de ma soirée en l’air, comme si demain allait pas être pénible, avec les paparazzis qui le suivront partout, histoire de récolter des détails croustillants de sa soirée. Des journalistes qui m’interrogeront encore et toujours pour savoir si monsieur Dickens Jr et moi on forme un couple. Bon Dieu, c’est à se demander si j’aime mon travail au point de restreindre ma vie et mes envies pour subvenir aux besoins des deux hommes qui en font partie. On dirait deux enfants dont je dois obligatoirement prendre soin, sans quoi ils perdront le sens de leur vie, ou quelque chose comme ça. Si j’étais pas payée autant – ce qui arrive à me faire subsister parmi toutes mes dettes – je laisserais Ramsey en plan sur le champ et je me trouverais un travail qui paie mieux. « Lève-toi, on rentre. J’t’en prie, dis-moi qu’au moins t’as essayé d’éviter les journalistes… » À en voir le sourire qui se tient sur ses lèvres, j’en déduis que la réponse est négative. Pourquoi est-ce que je me retrouve encore dans cette situation ? C’est pas tout, parce que dans le fond j’ai l’impression d’apprécier. Enfin, apprécier est un grand mot, mais bon… me retrouver aux côtés de Ramsey, me faire questionner par les journalistes, suivre par les paparazzis. Je plains Jakob, le pauvre, que je mets de côté pour cette vie qui ne m’ira certainement jamais. Qu’est-ce qu’on s’en balance, dans le fond… « Chez toi ? C’est bien chez toi, c’est mieux que chez moi. Si, j’te jure. » Il essaie de reprendre son sérieux, échec lamentable. Je me penche et fais passer son bras autour de mon épaule, et le barman me rend un énorme service en appelant un taxi.

« T’as conscience du fait que tu vas devoir diminuer sur l’alcool, et toutes les folies que tu te permets de faire, pas vrai ? » Ramsey se lève du sofa, difficilement. Les cheveux ébouriffés – sexy à souhait – la gueule de bois scotchée au visage. Il passe sa main sur son front, frotte ses yeux et s’étire – en montrant tous les muscles de son corps magnifiquement sculpté – et vient s’assoir sur un des bancs hauts placés sous mon comptoir. « C’que tu peux être pessimiste, parfois. Ou non, tout le temps en fait. » Il me lance ce sourire mi-amusé, mi-sarcastique, et hoche la tête négativement. « J’ai l’impression d’être ta mère… pas très rassurant, surtout parce que j’ai seulement 23 ans et que je suis loin d’être prête à l’être. » Il se met à rire, je suis loin de trouver ça drôle. « Qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ? » Je le regarde, perplexe, il se retourne et arque un sourcil. Il réfléchit, ça paraît, mais je sais bien que dans le fond il va me sortir une connerie et que je devais le trouver par moi-même, comme d’habitude. Il va encore falloir que je m’arrange avec le bureau pour essayer de faire rentrer Ramsey sans trop de dommages. J’suis à ça de tout laisser tomber, sans blague. « J’en sais rien, tu veux faire quoi ? » Comment j’avais raison, ça me tue. Je soupire, et je me retourne vers ma cuisine, il va bien falloir qu’on mange quelque chose de consistant – quelque chose de différent que de la pizza pour déjeuner – avant de partir et affronter la dure journée qui nous attend, non ? Ramsey se dirige vers ma salle de bains, où il prend possession des trucs que j’ai placés là pour lui. Je me demande encore pourquoi je continue de le laisser faire ça. Par « faire ça » je veux dire, le laisser continuer de compter sur moi pour tout, et de le laisser m’amadouer en me disant qu’il passera la soirée avec moi. C’est injuste, parce que je me fais des idées qui, clairement, sont fausses. Je devrais peut-être avoir honte de penser comme ça, mais quand Ramsey est là, Jakob disparaît de mes pensées, complètement. Je laisse mon patron prendre toute la place qu’il y a dans ma tête (mon cœur ?) et le pire c’est que je n’me bats pas pour l’en faire sortir. « Ce n’est pas à moi de planifier tes journées, j’suis ta secrétaire, pas ta planificatrice de vie. » Il se remet à rire, avec ce sourire radieux qui me fait fondre à chaque fois. Finalement, la journée passe rapidement, et on a décidé de passer inaperçu. Ça fait du bien pour une fois de ne pas devoir se casser la tête pour voir si on arrive à passer une journée sans se faire harceler. On a clairement fait comprendre aux paparazzis que s’ils continuaient on les poursuivrait en justice, et qu’ils risquaient de perdre gros, et bon enfin, plusieurs ont arrêté. Je rentre chez moi, et je prends le temps de prendre une bonne douche chaude, bouillante, pour me débarrasser des tensions accumulées durant la journée. Enroulée d’une serviette, j’entends quelqu’un cogner à ma porte. Si j’avais su qui c’était, j’aurais probablement fait comme si de rien n’était, et j’aurais pas ouvert la porte, sérieusement. « Qu’est-ce que tu me veux, Jakob ? » Il est sorti… Il est sorti et pour la première fois en deux ans et demi ce n’est pas moi qui lui ai payé son ‘évasion’. « Toi… c’est toi que je veux, Mikaele. » Je détourne la tête et la baisse, de manière à ce qu’il ne voie pas tout mon visage. J’ai envie de pleurer, parce que ça me brise le cœur de devoir briser le sien, sauf que trop c’est trop, et que là, je ne peux plus supporter tout ça. « J’suis désolée, c’est impossible… » Je prends une grande respiration, lentement, et passe la main dans mes cheveux mouillés. « C’est fini, Jakob. Fini… tout ça, toi et moi, fini. Je peux pas, je peux plus. Je veux plus… » Il me regarde, et baisse la tête. Un peu comme s’il s’y attendait. « Je sais. » Je relève la mienne, et j’suis surprise de sa réaction, parce que je pensais vraiment que ce serait le truc le plus pénible que j’aie à faire à vie. Ça ne l’est pas, mais ça en fait partie. « J’voulais juste que… J’voulais juste essayer de nous fixer, parce que t’es vraiment la meilleure chose qui me soit arrivée, Mikey. J’suis désolé pour mes erreurs, et j’suis désolé que t’aies dû à endurer tout ça. Sache que j’veux quand même qu’on reste amis, et que j’tâcherai très fortement de ne pas profiter de ta gentillesse. » J’m’attendais pas à ce que ça finisse comme ça. On a toujours eu cette fusion lui et moi, et on s’est aimé jusqu’au bout. Jakob tourne le dos et s’en va, il m’a souri et a déposé un baiser sur mon front, j’suis tellement déboussolée… les larmes viennent à mes yeux par elles-mêmes, et je peux pas les arrêter. Un vrai torrent, et pourtant je suis soulagée, mais j’ai tellement mal. Je m’habille, et je m’apprête à aller me morfondre dans mon sofa quand la porte de mon appartement s’ouvre. « Mais qu’est-ce que… » Ramsey. J’aurais décidément jamais la paix… « J’ai pensé que j’devais me racheter pour hier, et parce que t’es la meilleure et que t’as raison, etc. » Il a en main des sachets avec des aliments qui pourraient bien nous servir. J’ai la tête d’un zombie, et en quelque part ça ne me dérange pas de paraître comme ça devant lui, j’y suis habituée après tout. La soirée s’annonce calme et beaucoup plus amusante que si je l’avais passée seule.

Bienvenue parmi nous =)

HAAAAN j'aime que Blake revienne à la mode
bienvenuuuue!

Joana Dicksee a écrit:

HAAAAN j'aime que Blake revienne à la mode