« Allongé tranquille sous un arbre, les yeux rivés vers le ciel, moi je m'interroge. Qu'est ce que le temps si je ne suis pas mon âme ? La vie est-elle un concert avec la mort dans les loges ? »

Le vent, dans les arbres. Le soleil, dans le ciel. Les oiseaux, en pleins vol. Un pur spectacle, un putain de bonheur à l'état pur.
Il faisait beau en ce moment, pas qu'avant, il avait plu ni rien, c'est juste qu'aujourd'hui était vraiment la journée la plus ensoleillée depuis leur arrivée ici. Naturellement, une bonne partie des RPGistes avaient filé en direction de la ville, en quête d'amusement à l'extérieur, parce qu'il fallait bien avouer que malgré tout, le manoir n'était pas vraiment remplie de jeux cool en tout genre, comme ils avaient pu l'espérer.

C'est clair qu'au début, Jules s'était attendu à mieux. La douche avait été plutôt froide, lorsqu'il avait aperçu l'extérieur de la maison, et je n'vous raconte pas la désillusion, au moment de rentrer à l'intérieur. Les admins l'avaient bien dit ; ne vous attendez pas à Neverland, hein ! N'empêche, ils auraient pu prévenir que c'était petit, froid, que le jardin ne ressemblait à rien à part à un champ pas entretenu du tout.. En fait, ils n'avaient rien dit à leurs modos et du coup, Geek non plus ne savait rien. Avec les autres du staff, ils en avaient parlé pendant un moment, et en avaient conclu que les admins n'avaient rien voulu dire à personne quant au lieu où ils se retrouveraient tous. Aujourd'hui, occupé à contempler cette vue désastreuse sur le jardin, Jules comprenait bien pourquoi.

Il devait être aux alentours de dix heures du matin. A peu près tout le monde dormait encore, entassés dans les dortoirs. C'était pas son genre, au geek, de dormir collé entre deux inconnus qui gigotent toute la nuit et qui finissent par te tomber dessus. Solitaire, il avait toujours aimé avoir sa tranquillité, alors finalement, il avait installé son duvet dans la bibliothèque. Original, il fallait l'avouer. Mais au moins, il était tranquille, seul dans sa pièce débordante de vieux bouquins puants. De ce fait, beaucoup de personnes étaient étonnés, un peu plus chaque jour, de le voir débarquer comme ça, tout droit sorti de nul part. Jules était discret, trop discret. Et en plus, il était matinal. Il avait pris l'habitude, comme tout le monde, de se lever tôt le matin, pour aller en cours. Et puis, quand il avait arrêté les cours, il y a deux ans de cela, il avait commencé à se lever tard.. Jusqu'à ce que son père, gardien de nuit, n'apprécie plus de le voir se lever à des heures du matin pas possible. Alors, avec le temps, une petite routine s'était installée, et chaque matin, Geek se levait aux alentours de neuf heures du matin. Puis il se préparait un petit déjeuner en dix minutes chrono, puis il se collait sur son fauteuil, puis il trainait sur la toile. Toute la journée, jusqu'à ce que le soir, ses yeux finissent par se fermer tous seuls. Après quoi, il éteignait, bien souvent à contre-cœur, son PC, et filait se coucher. C'était lamentable, oui. Misérable vie absolument vide de tout sens.

Il était donc là, assis, seul, dissimulé dans ces hautes herbes - il se serait cru dans Pokémon. Enfant, il avait toujours eu cette peur qu'un d'eux l'attaque, lorsqu'il marchait dans de l'herbe haute. Il avait toujours été comme ça, Jules ; alors que tous les autres enfants s'échangeaient les Pokéball à la récré, lui, il craignait juste de se faire attaquer par un Bulbizar en marchant dans l'herbe. Le jeune homme laissa échapper un soupir de découragement, déçu de sa propre personne. Il se dégoutait lui-même, parfois. Jetant alors un regard attendrit au ciel, il vit un oiseau faire du surplace dans l'air. C'était toujours bizarre de voir un oiseau faire ça, en fait, Geek n'avait jamais vraiment compris pourquoi ils faisaient ça. Se sentant tout à coup proche de lui, un regard complice, il se mit à lui parler, à distance et d'une petite voix : « autant que j'aime pas être à ma place, n'empêche, j'aimerais pas être à la tienne. Être là, et tout le temps devoir partir ailleurs. En quête d'un monde meilleur, tu traines comme ça, parcourant inlassablement le monde. J'aimerais pas être à ta place, parce qu'un de ces jours, tu te ramasseras une balle à la gueule, sans rien pouvoir y faire. J'aimerais pas être à ta place, et les autres non plus. Parce que personne n'aime être la proie. Mais finalement, t'as raison, on n'est peut-être pas si différents ; tous les deux, où qu'on soit, on fait du surplace.. »