APPLETON, MUSE JENNALYNE

« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements »
- Charles Darwin

Je suis intrépide ; rebelle ; aventureuse ; délicate ; romantique ; sensible ; possessif ; intransigeante ; douce ; hargneuse ; passionnée ; idéaliste ; gourmande ; joviale ; flamboyante ; confiante

« Non, j'y crois pas. Putain Callum, pas moyen que tu cesses de casser tous mes trucs! ». Je sors, ivre de colère, un haut tout neuf, sympa, que je venais de m'acheter la veille dans une friperie au centre-ville. J'ai du éviter les foudres de ces filles qui vendraient leur âme avant de porter des trucs vintage qui ne porte aucune étiquette de designers. Je ne sais pas ce que mon petit frère a pu inventé, du haut de ses huit ans, il fait encore un gros n'importe quoi, mais il y a des taches partout, du rouge et du bleu. De la peinture? J'y crois pas. Je vois ses yeux qui gonflent, puis ce sont ses cris qui résonnent dans la maison. Je me mords la lèvre, levant les yeux au ciel, mortifiée, atterrée. Je me doute qu'il va aller rejoindre ma mère et que je vais en prendre pour ma peine, mais j'ai les nerfs à fleur de peau. Je balance mon haut dans la corbeille - foutu de chez foutu - pour mettre le pied sur la corniche, en passant mon corps fin à travers la fenêtre que j'entends une voix qui s'élève, dans la pénombre, alors que les pleurs de mon frère s'intensifient « Tu as l'air idiote ». Je me retourne, insultée. Que ne vois-je pas tout près, dans la maison de l'autre côté ? Ce connard de Placid Kleats, bon, ce que je veux dire, c'est que c'est un chieur qui a le don de toujours tomber sur les pires moments pour s'en prendre à moi. Ah bon, parce qu'il y a, parfois, de bons moments ? « Et toi t'es toujours aussi sympathique, certaines choses ne changent pas faut croire ». Je lui adresse un sourire impérial, avant de m'accrocher au mur, comme je le fais depuis mes quinze ans, quand je veux sortir en douce « Tu vas où ? ». C'est son ton, autoritaire et sec, comme s'il allait de soi qu'il m'accorde son autorisation pour que je déplace de l'air hors de ma chambre. Détournant la tête pour croiser son regard, à travers la fenêtre de sa chambre à lui, où il se tient, sérieux et imposant, les bras croisés, le regard dur. Ça m'en jette, un frisson me traverse l'échine, mais audacieuse que je me sens là, maintenant, je ris doucement, en secouant mes cheveux, puis les renvoyant vers l'arrière, afin de descendre légèrement le long de la rambarde pour ne pas me tuer « Là où le vent me portera. Bonne soirée Placid ». Qu'il en soit ainsi, plus je suis loin de lui, mieux je me porte. Son attitude, sa façon de parler et d'agir, c'est aussi intriguant que c'est fatiguant, c'estattirant que ça me donne aussi envie de prendre mes jambes à mon cou. Je déteste quand je me sens comme ça. Prise entre deux feux, le dégoût et la fascination. Une fascination malsaine pour un personnage que je ne comprends pas et qui semble à part, enfermé dans un univers auquel je n'accéderai jamais. C'est frustrant, vraiment.

Une fois que je pose les pieds sur le sol, que mes ballerines fouettent le dallage et que je me mords la lèvre, même quatre ans plus tard, je m'étonne toujours de poser les orteils si vite dans le jardin. Je sens encore le regard vif de Placid Kleats, et je m'oblige à marcher dans la direction de l'entrée, évitant soigneusement les fenêtres, puis apercevant mon petit frère sur la balançoire, seul, les larmes sur ses joues luisant dans la nuit. Il ne m'entend pas arriver. Mon frère est spécial, il n'est comme personne d'autre. Je l'aime, mon frère, je voudrais lui éviter de croiser des gens qui ne comprennent pas son intériorisation, son intérêt pour un monde imaginaire qu'il préfère à celui qui est réel et qui nous entoure. C'est peut-être la raison pour laquelle je fais une fixation sur le personnage que m'apparaît être mon voisin. Il me rappelle mon frère, en beaucoup moins fragile, doux et rêveur. Placid est... violent, impulsif, troublé. Je m'accroupis près de Callum, posant ma main sur son genou, lentement, pour qu'il puisse me voir faire, pour ne pas que je lui fasse peur. Il met près d'une trentaine de secondes à lever la tête, mais comme je l'accueille avec un sourire, il ne s'agite pas. Au contraire, il me fixe, comme seul lui peut le faire. Callum lit dans mon âme, comprend mes peines, apaise ma colère et écoute mes tourments. Il est mon journal intime avec un coeur qui bat au creux de sa toute petite poitrine « Je suis désolé, tu sais ». Il secoue la tête, puis lève les yeux, à gauche, comme si un truc fou venait de lui apparaître. Je me redresse, pose un baiser sur son front brûlant, puis m'éloigne de lui, le laissant à ses rêveries. Il m'attrape par la main, m'adresse un sourire à son tour, puis me pointe quelque chose derrière moi. Curieuse, je me retourne pour voir un tout petit chat « C'est lui que tu attends tous les soirs, hein ? ». Il ne me répond pas. Il ne me répond jamais, Callum, et je m'y suis fait. Il se contente d'aller prendre le chaton dans ses bras, puis s'assoit dans l'herbe. Bon, il en a terminer avec moi, je crois. Je quittais la cour que je me retourne, croisant les bras sur ma poitrine, regardant mon frère autiste, attendrie par la scène où il caresse un chaton blanc dans la nuit, ce dernier ronronnant, je l'entends faire d'ici « Je te confie mon frère, petit chat, prends en bien soin ». Je me sens idiote, mais apaisée. Il ne court aucun danger, et je peux retourner à mes occupations de jeune insouciante de vingt ans tout juste...

Jennifael Gordon, 19 ans, a tout pour être heureuse. Enfin, elle le croit. C'est les trucs matériels qui la branche, le dernier haut à la mode, sa carte platinium Amex et le regard des mecs qui lui disent à quel point elle est jolie. Elle ne réalise pas sa bêtise jusqu'au jour où elle perd absolument tout, d'un trait, comme si sa vie parfaite et idyllique n'avait jamais exister. Ses parents meurent dans un accident de voiture, où elle en sort rescapée, quoique défigurée. Des mauvais placements leur ont fait perdre tout ce qu'ils avaient, et ils ont tentés de mourir ensemble, parce que c'était tout ce qu'ils leur restaient. Elle est seule, que ses souvenirs pour la bercer et le cocktail de médoc qu'elle prend grâce aux médecins. S'éloigner, partir, fuir, c'est sa dernière chance...

VOUS DERRIÈRE L'ÉCRAN
mariche
19 ans
natalia vodianova
salud!